Vendredi 20 juin 2022 14h. Le contrôle. Les transports vus du ciel

 


Aujourd’hui la prof a dit qu’on avait appris beaucoup de choses et qu’il fallait qu’on prépare le contrôle. Nous on s’est tous mis à crier. Alors elle a dit de ne pas s’inquiéter, parce que d’abord on était dans un livre et que donc il pouvait rien nous arriver et qu’ensuite le contrôle c’était surtout pour nous aider à faire le point sur ce qu’on savait. Et là elle a commencé à dire qu’apprendre c’était comme faire un long voyage et que c’était important pour nous d’avoir des repères pour savoir où on en est et quand est-ce qu’on arrive et que c’était important pour elle aussi parce qu’on ne prend pas tous les mêmes chemins et qu’elle doit vérifier que personne ne s’est perdu. Et puis elle a dit que de toute façon elle n’allait pas nous laisser tout seuls et que même elle allait nous montrer le chemin, et on est tous montés dans le Gougel-eurs.

Au début on ne voyait que la mer (enfin la prof elle a dit que ce n’était pas la mer mais l’océan Atlantique). Et puis on a commencé à voir plein de bateaux et on a tout de suite compris où ils allaient, et Caro elle a crié « Le Havre » alors que ce n’était même pas marqué. Et Mattéo il a dit qu’il voyait Roissy et Heathrow, et le viaduc de Millau. 

Les transports vus du gougle-eurs

La prof elle a dit que c’était ça réviser. C’était reconnaître des choses qu’on avait déjà vues et bien les ranger dans sa tête pour pouvoir les utiliser ensuite quand on en a besoin. Et elle a sorti une boîte avec plein de lunettes et elle nous a demandé d’en choisir une.

Moi j’ai pris les lunettes vertes. 

Parce que j’aime bien le vert.

Sauf que quand je les ai mises ce n’est pas du vert que j’ai vu. Tout est devenu tout noir et super bruyant et je me suis mis à tousser. Et j’ai vu que Caro et Mehdi aussi ils toussaient. La prof elle a dit que c’était les lunettes de l’environnement, et que les fabricants avaient peut-être un peu exagérés mais que c’était pour qu’on se rende compte. Et elle s’est tournée vers moi et elle a dit que maintenant mon travail c’était de dessiner ce que je voyais, et que ça ne devrait pas être trop difficile comme j’étais très fort en cartographie. Alors moi j’ai commencé à dessiner les nuages noirs, les flaques dans la mer, les avions dans le ciel, le bruit et tout ça.

Les transports vus avec les lunettes vertes
 

Mais la prof a dit qu’il ne fallait pas juste regarder comment c’était aujourd’hui mais comment ça pouvait devenir demain, et qu’il fallait qu’on voit aussi tous les efforts qui avaient déjà été fait pour que ça s’améliore, et de bien penser à Roissy et à Millau et au Havre et à tout ce qu’on avait déjà fait. Alors avec Mehdi et Caro (la prof a dit qu’on avait le droit de s’aider) on s’est rappelé que pour Roissy on avait calculé notre consommation de carbone et qu’on avait vu que ce qui consommait beaucoup c’étaient les déplacements et surtout l’avion et la voiture et que pour Le Havre on avait vu la réserve naturelle qui était menacée par le projet de canal et que pour Millau on avait dit que si on construisait le viaduc il y aurait moins de monde sur l’autoroute qui passe par Lyon. Et puis aussi on s’est rappelé que pendant le confinement la pollution  avait beaucoup diminué parce que plus personne ne se déplaçait. 

Souvenir du cours sur le port du Havre

 Alors on a dit « y’a qu’à arrêter de voyager, et puis y’a qu’à pas acheter à l’étranger, comme ça y aura moins de transport et puis y’a qu’à empêcher la construction du canal au Havre pour préserver la nature et puis y’a qu’à … tiens y’a qu’à faire un confinement obligatoire jusqu’à ce que la planète se remette à respirer ».

 

Notre solution pour que la planète se remette à respirer

Et là on n’a pas compris parce que Mattéo et Laura ils ont commencé à nous crier dessus qu’on était fous et de rester chez nous si on n’était pas contents mais de pas mettre en l’air l’économie parce que c’était grâce à elle que nos parents gagnaient leur vie et que c’était pas en mettant tout sous cloche qu’on allait y arriver. 

Le monde sous cloche

 … Et ils ont continué en disant qu’il fallait construire des équipements encore plus performants pour Le Havre et Roissy et qu’il n’y avait que comme ça qu’on pourrait lutter contre la concurrence des pays étrangers, et que la vie c’était une lutte pour la première place.

 Et alors là Léo et Théa se sont super énervés en disant que c’était facile hein de limiter les déplacements quand on habitait à Paris mais que tout le monde avait le droit au transport et que ça commençait à bien faire de toujours privilégier les mêmes et que c’était justement les endroits qui n’avaient pas beaucoup d’infrastructures (c’est Mattéo le premier de la classe il utilise toujours des mots comme ça) qui devaient être équipés en premier, que c’était une question de justice et même d’équité. Et que ce n’était pas vrai que la vie c’était une lutte pour la première place parce qu’on vivait ensemble et que ça ne servait à rien si c’était pour pas s’aider. Et aussi que l’Union Européenne elle servait à ça justement, à ce qu’on ne fasse pas toujours la course entre nous pour savoir qui est le meilleur mais à ce qu’on s’entraide.

La prof elle attendait en souriant et elle a dit qu’elle nous laissait débattre et du coup on s’est tous arrêté et on lui a dit que ce n’est pas vrai qu’on ne se battait pas et là elle a rigolé et elle a dit que débattre ça voulait pas dire se battre mais échanger des arguments et que tout ce qu’on avait dit c’était très intéressant et que maintenant on allait échanger nos lunettes. 


 Je n’en revenais pas comme tout était différent avec les lunettes de Mattéo et de Laura. Avec celle de Mattéo, c’était évident que si on voulait être compétitif il fallait qu’on fasse quelque chose, parce qu’une grande partie de l’activité se faisait en dehors de nos frontières (la prof elle a dit que c’était la mégalopole européenne). 

Les transports vus avec le lunettes de Mattéo

Et avec celle de Laura on voyait bien que les transports formaient une toile d’araignée mais que tout était dirigé vers Paris et qu’il y avait des endroits qui étaient vraiment isolés et que c’est pas parce qu’on habitait loin de Paris ou dans la montagne qu’on avait pas droit de voyager.

Les transports vus avec les lunettes de Laura

Et alors on s’est tous mis à chercher des solutions. On a dit qu’il fallait continuer à rendre Paris attractif. Et qu’il fallait développer des infrastructures pour que tout le monde puisse voyager et pas juste les parisiens. Et aussi des campagnes de communication parce que sinon ça ferait comme l’A75 que les gens ne prennent pas alors qu’elle est super bien parce qu’ils y pensent pas et qu’ils ont pas l’habitude. Y’a même Lilou qui s’est mise à chercher sur internet parce qu’elle voulait nous parler d’un projet qu’ils sont en train de faire entre Lyon et Turin et que son oncle qui habite à Lyon il lui en avait parlé mais que ça faisait plein d’histoires parce qu’un coup ils voulaient, un coup ils voulaient pas, un projet de tunnel super cher mais qui permettrait aux camions de traverser les Alpes en étant porté par des trains pour que ça soit moins polluant. 

La Transalpine
La prof a dit que ça lui rappelait des souvenirs parce qu’avant, au lieu de parler de Millau elle parlait de la Transalpine, que c’était partout dans les manuels scolaires mais que ça faisait longtemps qu’elle en avait pas entendu parler et qu’elle savait plus trop où ça en était mais que ça serait intéressant d’aller regarder. Elle a dit qu’à l’époque avec ses élèves ils regardaient combien de temps ça ferait économiser au chauffeur de camion de passer par la Transalpine, et combien d’argent au transporteur, et combien de CO2 à nous tous, et ils comparaient et ils regardaient aussi si ça valait la peine vu les travaux que ça allait demander. Elle a dit que c’était la même question qu’on se posait à chaque fois qu’on faisait un aménagement et que c’était ça qui était compliqué parce qu’il fallait mettre toutes les lunettes en même temps et que c’était un travail de président de la République. Et là elle a dit que tout ça c’était une question de développement durable et j’ai tout de suite su ce que ça serait la suite, et ça a pas loupé, la prof elle a fait le schéma avec les cercles en disant que le développement durable il était à l’ar-ti-cu-la-tion entre l’environnement, l’économique et le social. Et les cercles elle les a fait de la même couleur que les lunettes.

Et pour finir la prof a dit qu’elle avait une bonne nouvelle et qu’on ne s’était même pas rendu compte qu’on venait de faire le contrôle et qu’on l’avait tous super bien réussi et qu’on avait même appris à se servir d’un système d’information géographique, que ça s’appelait un SIG et qu’elle nous expliquerait mieux ce que c’était la prochaine fois. Et qu’il y en avait même dans la classe qui devaient être de futurs présidents de la République parce qu’elle les avait vu essayer toutes les lunettes en même temps et qu’elle voyait bien que leur regard avait changé. Et comme elle a pas donné de noms on s’est tous dit que c’était peut-être de nous qu’elle parlait, parce que c’est vrai que notre regard avait changé. Mais on était un peu soulagé aussi que ça ne soit pas pour tout de suite, parce que c’est pas facile de mettre toutes les lunettes en même temps. Et puis ensuite la prof a dit qu'à la rentrée on allait changer de sujet et qu'on allait parler de notre école.

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